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12 Jun

Torajas vivants

Published by Râm Perry  - Categories:  #Reportages, #Indonesia, #Religion, #People 's Life, #Culture, #Customs & Traditions, #Man & Animals, #Photography - Arts, #Photography - Documentary

A moitié endormi, le visage collé contre la vitre du bus, je regarde les montagnes couvertes de jungle, encore napées à l'aurore d'un léger manteau nuageux. Des yeux je cherche les crêtes des toits qui, par endroits, crèvent la canopée. Après une bonne dizaine d'heures de route depuis Makassar, le bus atteint enfin le Tana Toraja (Pays Toraja, Sulawesi du sud, Indonesie).

Longtemps préservé par son éloignement, connu en particulier pour ses maisons aux toits impressionnants et ses cérémonies funéraires extraordinaires, le pays Toraja a su conserver vivant son patrimoine culturel si particulier, unique.

La société traditionnelle Toraja est une société agraire ou le buffle tient une place primordiale:

Compagnon pour le travail des rizières et des champs, richesse et fierté de son propriétaire, véhicule des morts, le buffle inspire la culture Toraja jusqu'à la forme des maisons traditionnelles (Tongkonans), des greniers à riz, des catafalques, etc... qui reprennent tous la forme des cornes de l'animal fétiche.

C'est d'ailleurs une statue de buffle qui nous accueille à l'entrée de Rantepao, la capitale.

Torajas vivants

Une fois nos sacs récupérés, avec mes deux compagnons de voyage, nous partons a pied jusqu'à un hôtel repéré à l'entrée de la ville. là, nous nous installons et dormons le reste de la matinée pour récupérer un peu du voyage. Puis, on retourne en ville, pour manger, prendre un peu le pouls de la vie locale et faire quelques achats (eau, fruits, etc...) On cherche également un chauffeur, pour nous amener et nous guider un peu dans les différents villages traditionnels qui se trouvent dans les alentours de Rantepao. Pas simple d'en trouver un qui parles anglais couramment, mais on finit tout de même par en trouver un sympa qui se débrouille et avec nos rudiments d'Indonésien, ça devrai faire l'affaire... Rendez-vous est donc fixé au lendemain matin.

On passe la fin d'après-midi dans un café internet, à donner et prendre quelques nouvelles, puis on trouve un restau avant de rentrer à l'hôtel pour dormir. Le lendemain matin, à 6h, le chauffeur est là, à nous attendre, appuyé sur le capot de sa voiture, sourire aux lèvres... Dans la voiture, on partage des mangues fraiches en faisant connaissance. Première étape de notre tour dans la vallée, le village de Londa et son site funéraire.

Une fois sortis de la voiture, des jeunes nous abordent pour nous louer des lampes à pétrole, utiles pour visiter les grottes. A une petite cahute, on règle un droit d'entrée, versé à la communauté, puis on s'engage sur le petit chemin qui s'enfonce dans la verdure luxuriante.

Une centaine de mêtres plus loin, sous les contreforts de la falaise que le chemin longe, des arches funéraires (Erungs), aux formes rappelant celle des Tongkonans, sont abandonnées et se désagrègent lentement, leur mission achevée. Au dessus d'elles, dans les cavités et recoins de la roche, des cercueils sont entreposés. ça et là, des crânes et des ossements blanchissent à l'air nu. un peu plus loin, une sorte de cahute aux volets ouverts laisse voir des personnages en bois sculptés et peints, parés de vêtements. ce sont des Tau Tau, représentants les défunts. habituellement, ils sont disposés à l'entrée des cavités contenant les cercueils, mais ici, ils sont protégés et enfermés la nuit afin d'éviter tout vol, pillage. Les Tau Tau anciens sont en effet très recherchés par les collectionneurs d'art tribal. Enfin, on accède aux grottes.

Dans la pénombre, guidés par les lueurs de nos torches et lampes, on grimpe et se faufile dans les différentes salles. dans toute les cavités, les moindres recoins, des cercueils plus ou moins anciens se désagrègent lentement, parsemés d'offrandes (cigarettes kretek, argent, etc...).

catafalque, et cercueils stockés dans les cavités. (à Londa)

catafalque, et cercueils stockés dans les cavités. (à Londa)

les ossements finissent de blanchir à l'air libre. (à Londa)

les ossements finissent de blanchir à l'air libre. (à Londa)

dans les grottes. (à Londa)

dans les grottes. (à Londa)

Plus tard, notre chauffeur nous amènera jusqu'au village de Lemo. Connu pour sa falaise percée de nombreuses tombes, et ses rangées de Tau Tau alignés aux balcons, Le village est assez fréquenté par les touristes, et les minibus qui stationnent à l'entrée du site ne présagent rien de bon... Toutefois, les deux Tongkonans qui accueillent le visiteur, et , il faut bien l'avouer, la beauté du site, noyé au milieu des rizières, aident à préserver le caractère authentique du lieu.

De retour dans la voiture, nous nous faufilons au milieu des vallées verdoyantes, des cours d'eau et des rizières, découvrant au fur et à mesure le paysage de la région, ses incroyables sites funéraires et ses villages. Si les Tongkonans sont encore assez répandus, construits et couramment utilisés, seule leur toiture trahis une évolution: aux traditionnelles lamelles de bambou, on voit de plus en plus souvent, malheureusement, de la tôle ondulée...

Erungs (catafalques), tombes et Tau Taus (à Lemo)

Erungs (catafalques), tombes et Tau Taus (à Lemo)

tombes (fermées par les portes carrées), et Tau taus au balcon (à Lemo)

tombes (fermées par les portes carrées), et Tau taus au balcon (à Lemo)

l'entrée d'un autre site funéraire, dans des grottes.

l'entrée d'un autre site funéraire, dans des grottes.

Torajas vivants
cercueils royaux tombant en miettes et Tau taus.

cercueils royaux tombant en miettes et Tau taus.

Ultime étape des cérémonies funéraires, les cimetières Torajas sont souvent situés dans des grottes, des falaises ou des amas de gros blocs rocheux. les ouvriers y creusent à la main, patiemment, les tombes ou seront déposés les cercueils, les morts. ces cavités sont refermées par des petites portes carrées, sculptées et peintes (noir, rouge et blanc, les trois couleurs traditionnelles...), munies d'un système de fermeture secret connu, uniquement, par les membres de la famille des défunts. Les Tau tau, eux, sont toujours entreposés à proximité, en hauteur, afin de voir et d'être vus des vivants... Au pied des tombes, les catafalques ayant servi lors des cérémonies sont laissés à l'abandon, se désagrégeant sous l'effet du temps. Ici, comme dans de nombreux endroits du monde, on trouve aussi des monolithes, et des pierres levées. Et ici aussi, nul ne sait vraiment quelle est leur signification... Les nourrissons, eux, sont inhumés dans une cavité creusée dans le tronc d'un arbre sacré, pour que ceux-ci puissent s'élever avec lui en poussant (à Liang Pa, nottament).

Dans un petit village, on goûte un peu à la vie locale: en ce début d'après midi, les garçons jouent avec un buffle, nus, dans le cours d'eau qui serpente et encercle presque les six, sept énormes Tongkonans qui forment le village. Les filles, elles jouent plus calmement auprès de leurs mères et grands-mères, affairées sur leurs métiers à tisser. Les hommes, eux, sont aux champs et aux rizières, s'occupent des buffles et du bétail ou sont occupés à tout autre commerce.

Plus tard, nous sommes allés au village bien connu de "Kete Kesu", avec ses magnifiques Tongkonans et greniers à riz. Même si les familles vivent encore dans le village, et si le village est vraiment beau, il est préférable de le visiter tôt le matin ou en fin d'après-midi, quand les touristes ne sont pas là et quand la vie normale prend, pendant ce temps, une petite revanche ...

tau taus watching at the living ones

tau taus watching at the living ones

catafalques et tombes

catafalques et tombes

Torajas vivants
Kete Kesu, Tongkonans à gauche et greniers à riz à droite

Kete Kesu, Tongkonans à gauche et greniers à riz à droite

Sur le fronton des Tongkonans, les cornes des buffles s'empilent

Sur le fronton des Tongkonans, les cornes des buffles s'empilent

Torajas vivants

Le lendemain, nous quittons notre hôtel à Rantepao avec l'intention d'aller pour quelques jours, nous aventurer dans une vallée un peu plus reculée. Aussi, la voiture nous emmène jusqu'à Batutumonga, un petit village noyé parmi les nuages, sur les hauteurs dominant de loin la vallée de Rantepao. Là, nous trouvons sur le bord de la route un restaurant, qui semble faire également hôtel. Là, nous ne trouvons que des jeunes, discutant devant des séries indiennes, en buvant du soda à l'orange. Renseignement pris, l'Hôtel est fermé, mais les jeunes qui le gardent en l'absence du gérant nous trouvent tout de même une chambre et des matelas pour que nous puissions rester. Surprise, ils nous installent en fait dans un petit Tongkonan vide, surplombant l'hôtel et la route. Nous mangeons un bout avec notre chauffeur avant que celui-ci ne reprennes la route pour redescendre dans la vallée, puis nous marchons un peu, pour découvrir les alentours. Les nuages s'accrochent et passent lentement sur les rizières, les Tongkonans noyés dans la jungle, les buffles paissant, et les villageois, affairés à leurs taches quotidiennes. De temps en temps, un camion chargé de gens et de marchandises passe sur la route, et c'est alors concert d'exclamations, de sourires, de rires et de "Soré mista !" (bonjour l'après midi, Mista=Mister) à notre encontre. L’atmosphère est paisible, tranquille. Au soir, les buffles sont rentrés à l'étable (souvent dans la partie inférieure des Tongkonans, la partie habitable étant à l'étage.) , les grenouilles coassent dans les rizières et des fouines se faufilent furtivement dans la végétation. A l'hôtel, les jeunes regardent toujours des séries télé (qui les/ nous amusent beaucoup) en bavassant tranquillement. nous faisons de même en mangeant un "Mie Goreng" accompagné d'un grand verre de thé à la citronnelle. Au plafond, des scarabées et un énorme papillon de nuit (Sphinx de près de 30 cm d'envergure) se pressent auprès des ampoules qui éclairent le patio du restaurant.

Torajas vivants
Torajas vivants
Torajas vivants
Torajas vivants

Au matin, les Tongkonans baignent, irréels, dans les nuages et la lumière diffuse du soleil levant. Déjà, les habitants s'activent, faisant leur toilette et lavant leur linge au robinet alimenté par l'eau fraiche du torrent non loin. Nous attendons notre tour pour faire de même avant de descendre au restaurant pour avaler un thé et des pancakes à la banane. Puis, sac au dos, nous partons sur la route. Un peu plus loin, nous tombons sur l'école, ou des écoliers en uniforme effectuent des exercices sous forme de jeu dans la cour. Comme partout, nous sommes rapidement l'objet de toutes les attentions, et c'est finalement presque tous les élèves qui nous saluent en agitant la main (Pagi Mista !, bonjour le matin). Partout, le long de la route et sur les bâtiments, des drapeaux multicolores ont étés installés: nous approchons de la fête nationale indonésienne, et on prépare les festivités...). Quelques kilomètres plus loin, la route n'est plus qu'une piste défoncée, mais c'est l'accès principal vers une région très reculée (La région du Sulawesi comprise entre Rantepao et Palu, au Nord, n'as pas été traversée par des étrangers depuis les années 70...). Des camions chargés de marchandises, de gens, de buffles, etc... continuent a nous croiser régulièrement, toujours avec les mêmes réactions, les habitants que nous croisons nous apprennent quelques mots en dialecte local (Merci / de rien : Kurré Sumanga' / Polé Paraya, etc..) et s'amusent à poser pour nos photos. Plus loin, nous trouvons ce qui semble être une petite épicerie (des sachets de chips pendent accrochés en devanture..), aussi nous en profitons pour faire quelques courses, mais il nous faudra d'abord attendre que l'on préviennes la propriétaire de la boutique, partie s'occuper des cochons dans un champ non loin.

Au milieu des rizières inondées, des cercles d'herbes grasses m'intriguent. en fait c'est une vieille technique pour élever des poissons: ceux-cis sont élevés dans les rizières, retenus "en cage" par de simples barrières d'herbes. ce sont donc ça et là, des cercles de verdure noyés dans l'eau des rizières qui viennent compléter le magnifique tableau que nous donne a voir le paysage de ses vallées. Plus loin, un camp de scouts en effervescence ! près de 400 jeunes en tenue s'activent autour de leurs tentes et campements. quelle surprise tout d'abord pour nous, puis nous nous rappelons que la plupart des Torajas sont Chrétiens depuis la colonisation par des évangélistes néerlandais au début du 20e siècle. Nous nous faisons discret afin de ne pas susciter trop de curiosité, et nous poursuivons notre chemin. Quelques kilomètres plus loin, un petit torrent traverse la route, nous en profitons pour remonter un peu son cours et nous installer en hauteur pour avoir une meilleure vue sur la vallée et manger au calme.

Plus tard, nous entamons la route du retour vers Batutumonga, et notre "Hôtel", croisant souvent au passage les mêmes personnes qu'à l'aller, qui nous saluent en souriant, à nouveau. Quelques heures plus tard, en arrivant aux abords de LokoMata, un site funéraire à quelques kilomètres en aval de Batutumonga, j'entends des paroles prononcées au haut parleur. bientôt, nous reconnaissons des chiffres. Je pense alors à un marché aux buffles, car je savais qu'un s'était tenu la veille dans la vallée à Rantepao. Nous tentons alors de nous en approcher, cherchant le chemin qui nous le permettrai. C'est alors que nous apercevons trois jeunes femmes vêtues en noir et semblant se diriger, elles aussi, vers la source de ce son. Je les interpelle alors pour en savoir plus...

Torajas vivants
Torajas vivants
Torajas vivants
Torajas vivants
Torajas vivants
Torajas vivants
On the side of the road...

On the side of the road...

un Tongkonan en construction.

un Tongkonan en construction.

Torajas vivants
Torajas vivants
Torajas vivants
Torajas vivants
Torajas vivants
Torajas vivants
Torajas vivants
Torajas vivants
Torajas vivants
Torajas vivants
Torajas vivants

L'une des trois filles, Suzen, nous explique alors que le bruit qu'on entend provient en fait d'une cérémonie funéraire. que c'est celle du frère de sa mère, et elle nous invite à venir y assister en sa compagnie. J'hésite un instant: Je sais que les cérémonies funéraires Toraja sont des évènements exceptionnels particulièrement importants dans la culture locale, que c'est une chance incroyable pour nous que d'y être conviés. Mais je sais aussi qu'il est de coutume pour les convives d'y apporter un présent pour le défunt ou sa famille, Or nous sommes pris au dépourvu, ce qui me gêne fortement, étant soucieux de respecter les usages en vigueur. Je m'en explique donc à Suzen, qui m'assure, en rigolant, que cela n'est pas un problème. Après une rapide concertation avec mes compagnons, nous suivons donc les trois jeunes femmes sur un chemin qui descend dans le creux de la vallée.

Plus loin, sous la voute de la forêt tropicale, le chemin débouche finalement sur une large entrée encadrée de murs en bambous couverts de toile peintes aux motifs traditionnels, surmontée par une guérite. là, c'est un ballet de scooters et motos chargés de cochons ficelés tant bien que mal à des barres de bambou fixées en équilibre sur les portes bagages, et de convives, revêtant leurs traditionnels sarongs noirs aux délicats motifs rouges, blancs ou dorés. En passant sous l'arche de l'entrée on débouche sur une place avec un édifice central au toit en forme de cornes, devant lequel se trouve un large podium pour les cérémonies. tout autour, des bâtiments (eux aussi provisoires), en bambous ont étés construits pour accueillir les centaines de gens venant assister aux funérailles. l'ensemble est couvert et décoré de toiles peintes aux motifs et couleurs traditionnelles. Ces villages cérémoniels sont construits à l'occasion des funérailles, et sont ensuite détruits ou laissés à l'abandon. Les cérémonies durent entre 5 et 15 jours selon l'importance de la personne décédée. celles ci commencent toujours par des combats de buffles, qui sont ensuite sacrifiés en l'honneur des défunts, puis viennent cérémonies religieuses, ballet des présents apportés (sarongs, porcs, buffles, etc...), fêtes, victuailles, etc... le tout commenté par un animateur au micro (c'est lui que nous avions entendu, au loin, énumérer les porcs offerts en sacrifice...). Enfin, une fois toutes les cérémonies effectuées, les cercueils sont portés dans leurs catafalques aux formes de cornes jusqu'au lieu ou leur tombe a été creusée...

Nous sommes le troisième jour des cérémonies, et nous arrivons en plein sacrifices... Les Torajas, bien que convertis, ont conservé dans leur culture des éléments propre aux cultes animistes qu'il vouaient avant. La culture chrétienne qui leur a été transmise s'est donc naturellement mariée à la culture existante dans un mélange amusant et original. Les Torajas continuent donc à effectuer des sacrifices pour assurer une vie meilleure dans l'au-delà aux défunts. Sacrifier des buffles revêt une symbolique particulière, car il permet au défunt d'accéder plus haut dans les cieux en grimpant sur son dos. On sacrifie donc les buffles les plus précieux pour les personnes que l'on aime. Les buffles les plus chers sont ceux au pelage bicolore (noir et blanc) et aux yeux bleus. ceux-ci peuvent atteindre de véritables fortunes (jusqu'à 50 000 €). Avant la conversion au Christianisme, la société Toraja étant une société de caste, c'était également des esclaves qui étaient sacrifiés à la mort de leurs maitres...

Les animaux sacrifiés sont dépecés directement sur place et leur viande est soit cuisinée et servie directement aux convives, (accompagnée de riz et de verres de ballo (lait de coco fermenté), thé, café, vin de palme (Tuak) et alcool de riz.), soit répartie méticuleusement entre toutes les personnes présentes, qui repartent avec chez eux.

le site de la cérémonie

le site de la cérémonie

sur le podium, les animaux sont sacrifiés et dépecés directement, sous la direction d'un commentateur.

sur le podium, les animaux sont sacrifiés et dépecés directement, sous la direction d'un commentateur.

Torajas vivants
Torajas vivants
dans les loges, les gens mangent, boivent, discuttent tout en observant les cérémonies.

dans les loges, les gens mangent, boivent, discuttent tout en observant les cérémonies.

In the house: The two ceremonial coffins, the portrait of Edy's parents, two aunts and an uncle of Edy and Suzen, Edy and Suzen.

In the house: The two ceremonial coffins, the portrait of Edy's parents, two aunts and an uncle of Edy and Suzen, Edy and Suzen.

Pendant la durée des funérailles, ce sont plusieurs milliers de personnes qui sont conviées ou viennent spontanément rendre hommage aux défunts. Ceux-ci sont répartis dans différentes loges numérotées, selon leur importance, leur degré de parenté ou de relation avec les défunts. Étant invités par un membre de la famille, on nous a donc indiqué de prendre place dans la loge numéro 2, face au podium. Là, nous avons rencontré la famille de Suzen, ses oncles et tantes, et avons longuement discuté avec eux, tout en buvant et en fumant des Kreteks (cigarettes aux clous de girofle), pendant que le ballet des cérémonies et sacrifices suivait son cours sous nos yeux.

Puis, on nous proposa de rendre hommage aux morts, et de rencontrer l'organisateur de la cérémonie, Eddy, le cousin de Suzen. Nous avons donc suivi son oncle, dans une maison attenante au site, où, à l'étage, se tenait Eddy, à coté des cercueils de ses parents:

Dans la maison du défunt, on conserve soigneusement le corps du mort dans un cercueil provisoire, embaumé dans des herbes locales et un linceul. Remisé, le corps du premier défunt peut ainsi attendre des années la mort de son conjoint avant d'être inhumé en même temps que lui, elle. La préparation d'embaumement étant très efficace, aucune odeur ne se dégage du cercueil ou est place le corps en attendant.

Une fois les deux conjoints morts, on prépare alors la cérémonie, ce qui peut prendre plusieurs années, vu l'ampleur de la cérémonie. Edy, a ainsi passé un an et deux mois a préparer la cérémonie funéraire de ses parents. Pour la cérémonie, on commande des cercueils cérémoniels, ayant une forme et des décorations spéciales, traditionnelles. Les corps sont alors transférés dans ces cercueils cérémoniels avant d'être sortis du domicile et installés dans leurs catafalques en forme de Tongkonans afin d'être présentés aux participants de la cérémonie. C'est à ce moment, que nous faisons connaissance avec lui.

Edy est né, ici, à Tondoklitak, dans la vallée. Il a fait ses études primaires et secondaires à Rantepao, puis le lycée et ses études à Makassar, avant de partir à Jakarta (Ile de Java), ou il vit et travaille aujourd'hui. Il reviens tous les ans au Tana Toraja, et ne s'inquiète pas pour l' avenir de sa culture et de ses traditions: Il trouve que celles-ci son bien plus fortes aujourd'hui que lorsqu'il était petit, et que le pays s'ouvrait au monde.

Après avoir passé quelques temps, avec Edy et sa famille, il fut malheureusement temps pour nous de nous séparer: La nuit pointait déjà bien son nez, et nous devions retourner à Batutumonga, le chemin n'étant pas éclairé et n'ayant pas prévenu nos "hôtes"de notre absence au soir. Aussi, après une dernière photo ensemble, nous sommes repartis après avoir échangé nos contacts.

Sur la route éclairée par la lune et des myriades d'étoiles, en redescendant à Batutumonga, nous passons à coté de l'énorme et bien connu "rocher" de Lokomata, percé de ses nombreuses tombes. Les parents d'Edy reposent là aujourd'hui, ce fut leur dernier voyage après 9 jours de cérémonies et d' hommages. Mathius Sulle Rantepulung et Maria Palembangan, étaient tous deux professeurs. Ils étaient aimés et respectés par leur communauté.

Une fois par an, lors de la fête de Ma' Nenek, La famille d'Edy, comme tous les autres familles Torajas, se rendent dans les sites funéraires, sortent les cercueils et les morts de leurs cryptes, les nettoient, changent et festoient avec eux, célébrant les disparus le temps d'une semaine. C'est la tradition. Et elle est bien vivante !

dans le village cérémoniel, de gauche à droite, un oncle de Suzen et Edy, un homme sans tête et Julien, compagnons de voyage, Suzen, Edy et moi. (Août 2013)

dans le village cérémoniel, de gauche à droite, un oncle de Suzen et Edy, un homme sans tête et Julien, compagnons de voyage, Suzen, Edy et moi. (Août 2013)

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